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Festival Suresnes Cités Danse

Festival Suresnes Cités Danse

Kaïros ou l'instant suspendu

Le festival Suresnes Cités Danse est de retour du 11 janvier au 8 février, avec deux sorties de résidence à la clef. Parmi elles, Kaïros, dévoilée en répétition publique, s'offre comme un diamant brut de douceur et de mélancolie subtile. 

L'entraînement bat son plein. Au milieu de la piste, deux danseurs s'agitent, font pour aussi dire "des pieds et des mains ». Porté par une tension créative, le duo partahe ses ressentis et jette des ballons d'essai, jusqu'à faire éclore l'enchaînement parfait. « Il s'agit de rendre nos mouvements les plus doux, les plus naturels possible, sans tomber dans la facilité, dit Hugo Ciona, danseur et chorégraphe. Pour cette pièce, on a voulu travailler sur la légèreté, avec des séquences faites de lenteur, d'amplitude et de fluidité. » Dans l'immense glace murale, se reflètent les dernières touches apportées à leur spectacle : une performance poétique et gymnique, où se livrent des prouesses aussi voluptueuses qu'acrobatiques. « On ne dirait pas vue de l'intérieur, mais c'est musculairement très exigeant, je suis en gainage fort permanent, explique Nathalie Fauquette, qui se dit aussi perfectionniste que son partenaire. Notre idée est d'offrir au public cet instant suspendu, un moment hors du temps, lui raconter notre rencontre des corps et notre envie de danser ensemble.»

 
 
Le Kaïros et la Grèce antique 

A priori, puisque issus de milieux divergents - le hip-hop pour lui, la gymnastique pour elle - leur entente dansante ne tombait pas sous le cop de l'évidence. C'est la compagnie Käfig qui en sera le ferment. Créée par le chorégraphe Mourad Merzouki, celle-ci réunit les deux talents à l'orée du confinement, pour une production toujours en gestation : « Dès les premiers contacts, les premiers pas dansés, on a compris que le courant passait, se rappelle Hugo Ciona. Nos coprs n'ont pas ressenti le besoin de s'apprivoiser, de faire connaissance... Tout était déjà fluide, comme spontané. » De ce coup de foudre artistique est née une opportunité créatrice, que les artistes vont saisir avant qu'elle ne s'évanouisse : c'est le kaïros de la Grèce antique, l'occasion inespérée que l'on aurait tort de laisser filer. Un titre tout trouvé pour leur pièce, qu'ils entreprennent de filmer dans un strudio du CCN de Créteil. Séduit le théâtre de Suresnes manifeste l'envie de développer le projet : « tout est parti de leur courte vidéo, postée sur les réseaux, se souvent Carolyn Occelli, directrice du théâtre, qui leur ouvre grand les portes de « Cité Danse Connexions » (voir encadré). J'ai été profondément émue par la qualité de leur relation dansée et j'ai naturellement proposé de les accompagner en production

Une communion des corps 

Seulement le mauvais sort s'en mêle et Hugo Ciona se blesse : leur pièce est reportée d'une année. Prolongement de la simple étape de travail présentée en janvier 2023, une répétition publique leur a offert, en novembre dernier, d'épater de leurs valses enlevées la poignée de spectateurs rassemblés. Sur quelques notes de piano, les danseurs y déroulent leur « pas de deux », un partition de gestes élégants, flottants, comme éthérées. À pas comptés, ils s'affranchissent de la pesanteur et multiplient les portés. Littéralement asses aux premières loges, le public jouit d'une vue de plain-pied sur leur ébats dansés, leurs muscles confestionnés, les secondes de fébrilité, de souffle coupé... « C'est preque un autre spectacle, dit Gildas, qui n'a rien oublié de  la version présentée l'an dernier. Mais il reste toute la tendresse qui m'avait enchanté, tous ces bras qui s'enroulent et ce travail au sol, qui ajoute une autre ampleur, absente auparavant

Loin du manifeste, Kaïros savoure comme un shoot de bonheur et de déconnexion. 

Une danse « sans étiquette »

Loin du manifeste, Kaïros se savoure comme une expérience privée, intime, « un shoot de bonheur et de déconnexion, sans message ni cause particulière » comme dit Hugo Ciona, déjà passé par le théâtre Jean-Vilar en 2028 et une expérience avec les chorégraphe Andrew Skills. « C'était un honneur, en tant que danseur hip-hop, d'y faire ma première expérience pro, confie-t-il, avec en tête le souvenir triste d'un documentaire sur les déboires des précurseurs du hip-hop français. Ils ont tous essuyé les plâtres pour ma génération... c'était vraiment dur d'en vivre à l'époque. » Entre temps, Suresnes Cités Danse a fait son œuvre et accouché de sa révolution de palais : la danse de rue a gagné ses galons et, jusque dans les hautes institutions, mêlé son flow à la grammaire figée de la danse alors « autorisée ». « Le hip-hop a fait ses preuves, se réjouit Caroline Occilli. Sa légitimité sur les plateaux n'est absolument plus à prouver. Et du coup, pour moi, être une bonne héritière de ce festival qu'a créé Olivier Meyer il y a 32 ans, c'est poursuivre cette recherche, cette mise en lumière, ces mélanges. Finalement, ce que j'ai envie de programmer, c'est de la danse sans étiquette. » À l'image de Kaïros, à découvrir les mercredi 31 janvier et jeudi 1er février, salle Aéroplane.

Cité Danse Connexions matrice de la jeune scène

À travers son soutien au théâtre de Suresnes Jean-Vilar et à son pôle de création « Cité Danse Connexions », le Département encourage la jeune scène contemporaine et favorise l'émergence de nouveaux danseurs et chorégraphes. En plus d'un volet pédagogique, à destination des élèves, ce pôle participe au repérage des nouveaux talents, met à leur disposition des espaces de répétition et de création, contribue par un apport financier en coproduction et propose un accompagnement professionnalisant, qui se concrétise par une programmation au festival « Suresnes Cités Danse ».

Journaliste : Nicolas Gomont 
Retrouvez toute la programmation complète du festival sur theatre-suresnes.fr