Théâtre - Les Fausses confidences, un vrai coup de force
Les Fausses confidences ne sont pas un “marivaudage” comme les autres. À rebours des conventions sociales, l’amour y fait souffler un vent de révolte et un parfum de scandale. Une comédie magnifiquement jouée, dans une effervescente mise en scène d’Alain Françon.
Ici, point d’histoire de valet qui se déguise en maître ou de maîtresse qui s’habille en servante pour débusquer la vraie nature de sa promise ou de son futur fiancé. C’est l’histoire, épique et douloureuse, d’un amour qui transcende les classes sociales – on peut même parler de caste au XVIIIe siècle -, d’un jeune avocat qui se fait embaucher comme intendant, Dorante, follement épris d’une riche veuve, Araminte, promise à un comte. Comment va-t-il attirer le regard de la belle, la faire vaciller au point qu’elle accepte d’affronter le scandale d’une telle union ? C’est tout l’enjeu des Fausses confidences.
C’est une des pièces les plus complexes de Marivaux, la langue est soutenue, certaines tirades se déployant en de véritables cavalcades. Cette rythmique soutenue est parfaitement intégrée dans le jeu et la chorégraphie des comédiens. Ils rendent concret l’abstrait. Du drame naît le cocasse et la noblesse des sentiments côtoie le comique de comportements plus terre à terre. C’est un bonheur de voir scintiller ce texte porté avec tant de dextérité et de drôlerie par Georgia Scalliet (Araminte) et Pierre-François Garel (Dorante). Le couple était déjà présent dans le précédent Marivaux d’Alain Françon, La Seconde surprise de l’amour (2021), faisant à merveille vibrer les dissonances entre leur cœur et leur conscience dans un joyeux chaos.
Cœurs battant tambour battant
Lorsque Dubois, le domestique d’Araminte (joué par l’excellent Gilles Privat) lui révèle, sous le « faux » sceau du secret, les sentiments de celui qui vient proposer ses services comme intendant, la jeune aristocrate, sous l’effet de la surprise, en perd l’équilibre et s’affaisse d’un coup au sol, « tombant » littéralement amoureuse. Fin stratège, le domestique suggère qu’il faille licencier Dorante sur le champ, ce que les convenances dictaient. Et la vieille mère d’Araminte (interprétée par la brillante Dominique Valadié) qui rêve aux rentes du comte s’il devenait son gendre, ne cesse de s’énerver et de s’agiter pour remettre sa fille dans le droit chemin. Mais aussitôt, on voit Araminte se défausser, prétextant avec la plus grande mauvaise foi qu’elle avait déjà renvoyé l’autre intendant – sans l’avoir vu ! - et qu’elle n’avait plus guère le choix que de garder Dorante auprès d’elle. « Dorante lui tend l’image d’une princesse, il a même fait son portrait et elle va éprouver qu’elle peut devenir cette image, actualiser une force restée jusque-là potentielle, note Alain Françon à qui l’on doit précédemment le grand succès du Chapeau de pailled’Italie d’Eugène Labiche où, là aussi, les différences sociales s’exposaient et s’affrontaient. Le coup de foudre de Dorante va devenir le coup de force d’Araminte. »
Laurence De Schuytter
- Jusqu’au 21 décembre, Les Fausses confidences de Marivaux.
- Mise en scène d’Alain Françon, assisté de Marion Lévêque.
- Avec Pierre-François Garel, Guillaume Lévêque, Gilles Privat, Yasmina Remil, Séraphin Rousseau, Alexandre Ruby, Dominique Valadié, Georgia Scalliet, Maxime Terlin.
- Réservation : nanterre-amandiers.com
Autour du spectacle▶ Samedi 7 décembre de 15h30 à 17h30 |