"La Curiosité à l’œuvre. Dessins de la donation Pierre-Rosenberg" , la nouvelle exposition au Petit château de Sceaux, Pavillon de préfiguration du musée du Grand Siècle
Grand Siècle et bonnes feuilles
Le Petit château de Sceaux, Pavillon de préfiguration du musée du Grand Siècle, expose les premières feuilles de la collection Pierre-Rosenberg : La Curiosité à l’œuvre, du 2 décembre au 5 mars 2023.
Cette collection illustre tout à la fois une admirable curiosité et un œil très sûr.
Le Domaine départemental de Sceaux accueille pendant quelques années les deux plus belles collections d’art du territoire. D’un côté, au Château, celles du musée dédiées au goût français de Louis XIV à Napoléon III. De l’autre, au sein du Petit château - qui servit à la fin du XVIIe siècle de maison d’hôte pour les invités du domaine de Colbert - la Mission de préfiguration du musée du Grand Siècle, autrement dit un aperçu du musée qui ouvrira à Saint-Cloud dans quatre ans. La contrainte est celle, matérielle, des grands travaux de transformation du site de l’ancienne caserne Sully confiés à l’architecte Rudy Ricciotti. La chance est de pouvoir exposer, partiellement et par rotation, le noyau de ce futur musée, conçu avant tout pour accueillir la collection de Pierre Rosenberg.
Président-directeur honoraire du Musée du Louvre - qu’il dirigea de 1994 à 2001 après y avoir effectué toute sa carrière - et académicien français, celui-ci est, si l’on ose dire, un collectionneur « en herbe et en moisson » : il acheta jeune ses premières pièces et cette activité s’est maintenue avec la même passion en parallèle de son métier de conservateur. Les deux sont complémentaires puisque « l’amateur n’amasse pas simplement pour lui, mais pour enrichir un patrimoine muséal et participer à la connaissance sur le dessin », rappelle Frédérique Lanoë, conservatrice des dessins à la Mission de préfiguration du musée du Grand Siècle. Comme si pour Pierre Rosenberg la donation ajoutait au bonheur de collectionner : « J’ai toujours pensé que les collectionneurs devraient, à leur disparition, faire don de ce qu’ils ont rassemblé durant leur vie pour que tout le monde puisse en profiter ».
Les cinquante premières
De cette collection immense et multiple (3 502 feuilles de dessins, 691 tableaux et - plus inattendus - 608 animaux en verre de Murano), l’exposition La Curiosité à l’œuvre présente de décembre à mars une cinquantaine de « bonnes feuilles » à l’encre, au crayon, au pastel. Du XVIe au XXe siècle, parce que si Pierre Rosenberg, grand spécialiste de Nicolas Poussin, est l’un des plus fins connaisseurs du XVIIe que l’on dit Grand Siècle, il n’est pas un collectionneur monomaniaque : le même goût et le même regard s’appliquent à toutes les époques. « Par son ambition de donner à voir un large éventail d’artistes français, italiens et nordiques sur cinq siècles, écrit dans le catalogue Alexandre Gady, directeur de la Mission de préfiguration, elle rend en effet hommage à toute l’histoire de l’art ; par le choix de tous les types de dessin, avec une prédilection pour la vie plutôt que la pose, le mouvement plutôt que la précision, la rareté plutôt que la facilité, cette collection illustre tout à la fois une admirable curiosité et un œil très sûr. » Frédérique Lanoë, qui est également commissaire de l’exposition, précise que Pierre Rosenberg lui-même s’est impliqué dans la sélection dont « l’enjeu était de faire ressortir aussi bien la personnalité des artistes que celle du collectionneur ». À travers ce premier aperçu du futur musée, se révèle une personnalité experte, on s’y attendait, mais aussi gourmande et parfois facétieuse. Car si le hasard et la chance font partie du jeu, elles ne suffisent pas. Au plaisir de la découverte s’ajoute quelque chose qui relève de la délectation pour une ombre ou le sourire d’un trait, car, selon Pierre Rosenberg, « collectionner rend heureux ». Comme cela nous rend heureux d’entrevoir pour la première fois des trésors longtemps cachés, la fragilité des œuvres supposant qu’elles soient plus souvent conservées à l’abri de la lumière que dans des vitrines publiques.
Didier Lamare pour HDS.mag n°85 - novembre- décembre 2022