Jazz : Camille Heim, harpiste du groupe Chocho Cannelle
La harpiste revient cet été sur scène avec le groupe Chocho Cannelle, vainqueur l’an passé du 25e Concours national de jazz à La Défense.
Dans le cadre de scène, les quatre musiciens s’écoutent, se regardent et très vite, le courant passe, les choses s’encliquettent, la danse s’installe. Chocho Cannelle a une demi-douzaine de concerts dans le corps, et pas la moindre prétention de s’imposer au concours : « On avait très peu répété, se souvient Camille Heim. Tout ce que l’on possédait, c’était l’amitié et le fait d’avoir confiance les uns dans les autres dans notre capacité à donner le meilleur de nous-même. On a toujours sur scène ces petits sourires, ces regards, quand l’un improvise, les trois autres sont à l’écoute. »
Chocho Cannelle est comme une chimère, une créature inventée entre Coco Chanel et quelque chose de doux, de sucré et d’épicé, à la fois gourmande et élégante.
Classique du monde
Question parcours, Camille Heim, 32 ans, est plutôt multicartes. Formation classique au Conservatoire de Paris, rue de Madrid. « Mon but, étudiante, était d’être harpiste d’orchestre, je ne pensais pas bifurquer même si j’ai toujours eu un pied dans les musiques du monde. » En Occitanie, où son père François Heim organise et anime à l’accordéon diatonique des festivals de musique du monde. Tous les étés, Camille avec sa harpe celtique relève des morceaux à l’oreille, improvise sur des musiques traditionnelles d’Amérique du Sud, des Balkans, de la Réunion… Puis l’automne revenu, c’est un master d’orchestre en Rhénanie : « Je ne parlais ni anglais ni allemand ! Arrivée là-bas, j’ai appris l’allemand en trois mois parce que j’ai été engagée aussitôt comme stagiaire à l’Opéra de Düsseldorf. Et je retrouvais Léo les week-ends à Bruxelles pour faire danser les gens dans des bals folk ! » Camille Heim joue de la harpe depuis qu’elle a 5 ou 6 ans, et pendant longtemps, elle a dissocié les deux univers. « En réalité, ils s’enrichissent complètement. Ma pratique des musiques du monde m’apporte une stabilité rythmique. Le classique m’a apporté un vocabulaire, un langage, des connaissances plus larges. Et puis, il y a la lecture à vue : si on me pose une partition sur le pupitre, je peux la jouer. »
Duo Cam&Léo
L’atmosphère des bals folk lui donne l’envie de rentrer en France et de mener ses projets personnels. Chocho Cannelle, c’est donc d’abord l’histoire d’un duo qui partage le sens du rythme - et du jeu de mots. « Nous avons monté il y a cinq ans Cam&Léo, un petit duo pour jouer dans la rue, faire de la musique au chapeau dans les cafés, les jardins. Ce petit duo de rien, l’année suivante, faisait quarante dates ! On acceptait tout, une date en Bretagne, la suivante à Marseille et la route entre les deux la nuit en camion. On vivait de musique, d’amour et d’eau fraîche… » Le duo Cam&Léo cartonne, comme on dit, il a fait les premières parties d’André Manoukian, d’Ibrahim Maalouf, le deuxième album devrait être sorti quand vous lirez ces lignes. Est venue alors la volonté d’agrandir le projet, de faire un « Cam&Léo Quartet », de rencontrer d’autres musiciens. Nous sommes à l’automne 2021 ; avec les claviers d’Arthur Guyard et les clarinettes de Timothé Renard, le quartet est devenu Chocho Cannelle, un groupe à part entière, reposant sur de nouvelles compositions.
Harpe amplifiée
Mais d’où, ce nom qui sonne comme une contrepèterie mais que certains goûtent comme un breuvage chocolaté parfumé à la cannelle ? « C’est clairement parti de Coco Chanel, confirme Léo Danais. Ce qui ferait le lien, ce serait peut-être notre goût à tous les quatre pour la gourmandise et une certaine forme d’élégance. » Dans cette gourmandise métissée, la harpe llanera est évidemment une épice rare et précieuse. Colombienne, elle vient du baroque espagnol, arrive en Amérique du Sud où elle passe des musiques sacrées aux musiques populaires. Mais la harpe de Camille Heim n’est pas une llanera ordinaire : « Elle est amplifiée, un capteur par corde, elle descend plus bas qu’une basse électrique, jusqu’au ré grave. Ce qui me permet d’associer le jeu de harpiste à la main droite et le jeu de bassiste à la main gauche. » La référence, c’est le harpiste colombien Edmar Castañeda : « Si j’ai un maître, c’est lui. Il fait des lignes de basse comme personne, des improvisations fabuleuses, son langage musical est très complexe. Et puis il groove, il danse, il a la musique dans le corps, ça se voit et ça s’entend. » Comme chez Camille de Chocho Cannelle.
Didier Lamare pour HDS.mag mai-juin 2023 n°88
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