Lors de notre réunion du 16 octobre 2020, notre assemblée a adopté à l’unanimité un vœu portant sur la fin des hostilités dans le Haut-Karabagh. Ce vœu, adressé à Monsieur le Président de la République et au Gouvernement, était ainsi exprimé :
« La France exige l’arrêt immédiat des hostilités et le respect du cessez-le-feu dans le Haut-Karabagh. Toute nouvelle agression par l’Azerbaïdjan pourra conduire la France, après examen des circonstances, à apporter un soutien diplomatique aux autorités du Haut-Karabagh. »
Monsieur le Directeur de cabinet du Président de la République m’a apporté une réponse par courrier du 9 novembre 2020. Cette réponse comporte trois points principaux.
Tout d’abord, il est rappelé que « la France a condamné, dans les termes les plus forts, l’escalade de la violence dans la zone du Haut-Karabagh et appelé à la cessation immédiate des hostilités (…). ».
Ensuite, il est indiqué que « la France est déterminée à jouer tout son rôle, de manière impartiale. L’impartialité de notre pays dans ce conflit est nécessaire et liée au statut de médiateur que lui a confié l’OSCE. C’est de cette position équilibrée que nous tirons notre légitimité dans le cadre du groupe de Minsk, ainsi que l’influence que nous pouvons avoir sur les parties en crise. »
Enfin, il est précisé : « il est également de la responsabilité des membres du groupe de Minsk de demander à la Turquie des explications concernant le déploiement de combattants syriens issus de groupes djihadistes (…). »
Depuis notre vœu du 16 octobre 2020 et l’échange avec la Présidence de la République, un accord a été signé par l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Russie. Rendu public le 9 novembre 2020, il comporte neuf points et notamment :
- l’annonce d’un cessez-le-feu complet et de toutes les hostilités ;
- le gel des positions résultant du conflit et la restitution à l’Azerbaïdjan de plusieurs régions du Karabagh (Agdam, Gazakh, Kelbajar, Lachin) ;
- le déploiement d’un contingent de la paix par la Russie le long de la ligne de contact du HautKarabagh et le long du couloir de Lachin (qui relie le Haut-Karabagh à l’Arménie et qui devra faire l’objet d’un plan de maintien) ;
- la création d’un centre de maintien de la paix pour contrôler le cessez-le-feu ;
- le retour des personnes déplacées et des réfugiés dans le Haut-Karabagh et dans les zones adjacentes sous le contrôle du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ;
- l’échange des prisonniers et des corps des défunts.
Au regard des enseignements pouvant être tirés du conflit et de son dénouement actuel, il est proposé d’adopter un nouveau vœu, adressé à Monsieur le Président de la République et au Gouvernement, portant sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh, dénommée République d’Artsakh, et de demander l’ouverture d’une enquête internationale sur les crimes de guerre qui auraient été commis.
Cette proposition de vœu repose sur cinq motivations essentielles.
1. L’action diplomatique de la France au Haut-Karabagh, reposant sur l’impartialité et un processus de négociation par étapes, est durablement entravée par le recours de l’Azerbaïdjan à la solution militaire.
Le choix de l’impartialité et le processus de négociation, déployés depuis 1994 dans le cadre du groupe de Minsk, se sont heurtés à la décision prise par l’Azerbaïdjan de recourir à la force militaire. En dépit des condamnations de la France, cette approche n’a pas permis d’empêcher le déclenchement de l’offensive azerbaïdjanaise et sa poursuite durant plusieurs semaines.
Le soutien opérationnel de la Turquie apporté à l’Azerbaïdjan et les velléités expansionnistes turques, qui sont un facteur de déstabilisation régionale et une menace pour l’Europe, introduisent un changement de paradigme qui doit guider une évolution de l’action diplomatique de la France au HautKarabagh.
2. Des crimes de guerre ont pu être commis dans le cadre de ce conflit armé.
En quelques semaines, le conflit a été à l’origine de plusieurs milliers de morts militaires et civils (5 000 selon la Russie) et du déplacement de populations arméniennes dont le chiffre est estimé à 100 000 personnes.
Des informations, rendues publiques, font état de crimes de guerre et de l’usage d’armes prohibées par le droit international. Il est ainsi mentionné l’utilisation de bombes à sous-munitions interdites depuis 2010 par la convention d’Oslo.
Des écoles, des hôpitaux, des lieux de cultes ont été délibérément pris pour cible faisant des victimes parmi les populations civiles. L’offensive azerbaïdjanaise a pris la forme d’une agression contre la population du Haut-Karabagh.
3 La reconnaissance pleine et entière de la République du Haut-Karabagh contribuerait à garantir la protection des populations arméniennes.
La reconnaissance par la France de la République du Haut-Karabagh dans l’intégrité de son territoire et la volonté de porter cette reconnaissance à l’échelle de la Communauté internationale permettraient de conforter l’existence d’un Etat ayant pour objectif premier de protéger les populations arméniennes.
Le droit au retour des réfugiés et des personnes déplacées nécessite la mise en place d’un ensemble de conditions politiques et opérationnelles. La reconnaissance de la République du Haut-Karabagh serait une décision politique et diplomatique importante en ce sens.
4. La République du Haut-Karabagh dispose d’une légitimité incontestable.
Le statut de « région autonome » rattachée à la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan en 1921 est le résultat d’une décision arbitraire de l’Union soviétique qui ne prend appui sur aucune réalité socioculturelle.
Le territoire du Haut-Karabagh est en effet le « berceau » de la civilisation arménienne. Doté d’un patrimoine culturel et religieux d’une grande richesse, il est peuplé essentiellement d’Arméniens qui se sont massivement exprimés le 10 décembre 1991 en faveur de leur indépendance lors d’un référendum et qui ont conquis leur liberté à l’issue de la guerre de 1994.
5. La France entretient des liens privilégiés avec l’Arménie et les Arméniens.
La France a été une terre d’accueil pour les Arméniens qui ont fui le génocide de 1915. On estime que 750 000 personnes parmi nos compatriotes sont d’origine arménienne.
Notre pays, qui a reconnu le génocide arménien par la loi du 29 janvier 2001, entretient une relation privilégiée avec l’Arménie et les Arméniens.
La demande de reconnaissance par la France du Haut-Karabagh s’inscrit donc dans une continuité historique au cours de laquelle notre pays a joué un rôle dans l’accueil et la défense des Arméniens.
Vu la résolution adoptée au Sénat le 25 novembre 2020, portant sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh ;
Vu la résolution, adoptée par l’Assemblée nationale le 3 décembre 2020, sur la protection du peuple arménien et des communautés chrétiennes d’Europe et d’Orient ;
Vu les vœux et motions relatifs à la reconnaissance du Haut-Karabagh adoptés par de nombreuses Collectivités territoriales ;
Le Conseil départemental des Hauts-de-Seine exprime le vœu, adressé à Monsieur le Président de la République et au Gouvernement, que :
- la France reconnaisse la République du Haut-Karabagh ;
- la France demande l’ouverture d’une enquête internationale sur les crimes de guerre commis lors du conflit armé qui a débuté le 27 septembre 2020.