La table est dressée et les convives installés, certains sur leur trente-et-un. La vaisselle reste bien en place malgré les remous qui font doucement tanguer la péniche Melody Blue, sur le point de quitter son port d’attache de Bercy pour deux heures de navigation – et d’évasion - sur la Seine parisienne. « Cette journée est pour vous, lance aux deux cents invités Gwenola Vollaire de l’Institut des Hauts-de-Seine. Sophie va vous présenter les monuments de Paris. Vous allez passer un bon moment, n’hésitez pas à faire connaissance avec votre voisin ! » Le but de ces croisières ? Offrir une parenthèse de détente et de convivialité à ces personnes, vivant toujours à domicile ou en résidence autonomie, dont la solitude est à souvent à son comble en cette période. « Certaines familles ne veulent pas partir avec leurs aînés, “trop encombrants”. Certains seniors, qui pourraient se déplacer ne partent pas, faute de moyens. D’autres attendent septembre. » La sortie du jour mêle publics de Bourg-la-Reine, Villeneuve-la-Garenne, Gennevilliers et Neuilly-sur-Seine. « Nous mettons un point d’honneur à ce que des communes dites favorisées participent aussi. Il y a des gens seuls partout. »
Tromper la solitude
Alors que défilent par la fenêtre les premiers joyaux de Paris, Maria, frêle septuagénaire, entame son assiette de saumon fumé, s’interrompant de temps à autre pour prendre des photos qu’elle partage à distance avec son fils, installé à Londres. « Je suis ravie, c’est la première fois que je fais une croisière. C’est le luxe, je me régale ». En attendant de retrouver en septembre le reste de sa famille en Espagne, la Neuilléenne s’occupe. Face à elle, l’élégant Jean-Claude « touriste égaré parmi la jetset », à l’en croire, fait assaut d’humour sans cacher sa solitude : « Je connais très bien Paris ; tous ces monuments m’évoquent des anecdotes. Aujourd’hui je vis avec mes souvenirs, confie-t-il. Cette sortie me permet de changer d’air. » Pour recruter ses croisiéristes, l’Institut s’est appuyé sur ses relais de terrain.« Pour ce genre de sortie, nous avons une liste d’attente, explique Isabelle Thomas, assistante sociale à l’Espace Solidarité Seniors de la ville. Pendant le Covid tout le monde avait peur de son voisin mais depuis cette année, on sent une envie de profiter de la vie. On leur rend en quelque sorte leur liberté ! »
Nouvelles connaissances
Le bateau, au bout d’une heure, fait demi-tour offrant une vue imprenable sur la statue de la Liberté et la Tour Eiffel. Les smartphones sont braqués sur la fenêtre. À mi-parcours, il ne reste plus rien dans les assiettes du suprême de poulet et du gratin dauphinois. « C’est très bon et presque trop copieux », juge Nicolle, de Bourg-la-Reine. Placée à une autre table que « ses copines », elle a rencontré Brigitte, Nidhal et Monique. « Les jeunes restent sur leur téléphone, nous on parle, on échange, on se donne nos impressions. Vu notre âge, on a en a vu des choses ! », sourit cette ancienne responsable d’une agence de voyage. « Chaque personne vit différemment la solitude, ce n’est pas une question de saison. On peut la ressentir tout le temps », estime-t-elle aussi. D’autres, comme les Villeno-Garennoises Clémentine et Aïcha, habitantes de la Caravelle, se connaissaient déjà. « Je suis contente d’être tombée sur ma voisine, je n’étais pas perdue, explique Aïcha, dont c’était la première sortie de l'été.
Une campagne « Sourire d’été » dans vingt-deux communes
Quatre sorties sur l'eau étaient proposées cet été dans le cadre de la campagne « Sourire d’été » de l’Institut qui reprend sa « vitesse de croisière », après deux années marquées par la pandémie. Huit cents seniors en auront bénéficié. Pour cause de canicule, la sortie du mardi 12 juillet a toutefois été reportée à septembre. Des animations musicales, avec un orchestre de variété française, ont par ailleurs égayé quatre maisons de retraite du territoire, accompagnées d’une distribution de « kits bien-être » comprenant balle anti-stress, éventail, eau micellaire, peigne… Cette campagne estivale aura touché mille deux cents personnes dans vingt-deux communes.