Derrière un rideau d’eau qui ménage l’effet de surprise, les grandes cascades et l’Octogone sont en habit de fête. De part et d’autre des bassins, des jets d’eau décrivent des courbes joyeuses et au centre de l’Octogone, le plus impressionnant d’entre eux, tournoyant sur plus cinquante mètres semble mener la danse. Surgissant de nulle part, des langues de feu, ajoutent à la féerie. À l’occasion des Journées européennes du patrimoine le circuit formé par les cascades, l’Octogone, le Petit et le Grand canal, a repris vie dans cette scénographie inédite. Deux ans de travaux ont rendu toute leur splendeur aux Grandes Eaux. « Depuis le début du XXe siècle, le Département de la Seine et son successeur le Département des Hauts-de-Seine n’ont cessé d’embellir et faire évoluer ce parc, expliqueGeorges Siffredi, président du Département. C’est dans cet esprit de conservation, de valorisation et de transmission que nous avons engagé cet ambitieux chantier de restauration. » Neuf millions et demi d’euros ont été investis dans cette opération, « une somme importante mais toute relative par rapport aux 3,5 millions de visiteurs qui fréquentent ce parc chaque année ».
Cascades « Art déco »
Plus de trois siècles se sont écoulés depuis l’achèvement des grandes cascades par Le Nôtre. Entre temps, comme le reste du domaine elles ont connu bien des aléas, dont la Révolution ne fut pas le moindre, avant d’être reconstruites. « Léon Azéma (architecte du Département de la Seine, NDLR) a transposé dans un style Art déco les grandes composantes des cascades d’origine, jusque dans sa façon de redessiner la végétation environnante. Cette cascade est l’un des grands jalons de l’histoire des jardins au XXe siècle en Île-de-France », estime Jacques Moulin, architecte en chef des Monuments historiques mandaté par le Département. Mais l’ouvrage donnait des signes de fatigue. Les travaux ont permis de reprendre les maçonneries, les margelles et les déversoirs, de drainer et assainir les chambres enterrées, ainsi que de contrôler et réparer toute la machinerie hydraulique. Tout autour, l’écrin végétal a été revu afin de mieux respecter le dessein de Léon Azéma et des essences plus résistantes ont été replantées. Sur le perron et dans les grottes, les sept mascarons en fonte, œuvre de Rodin, ont retrouvé leur couleurs d’origine.
Invisibles sous l’eau, les réfections des perrés, c'est à dire des parois du Petit et Grand canal, n’en sont pas moins considérables. Sur trois cents mètres, la partie nord-est qui menaçait de s’effondrer a été entièrement reconstruite. Sur huit cents mètres des consolidations importantes ont aussi été effectuées. L’ensemble des perrés, soit près de trois kilomètres de murs, a été rejointoyé et nettoyé. Un système de digues mobiles a permis d’éviter une mise hors d’eau généralisée et de préserver les poissons. Enfin, dans ce parc labellisé "espace vert écologique", des tunnels facilitent désormais les circulations des batraciens entre les perrés et la terme ferme.
Passerelle et embarcadère
En plus de restaurer cascades et perrés, le Département s’est inspiré d’une passerelle figurant sur des gravures anciennes pour réaliser un nouvel ouvrage sur le petit Canal (reliant l’Octogone au Grand canal NDLR) qui se fond le paysage et offrira de nouveaux itinéraires aux promeneurs, coureurs et cyclistes. « Dès l’époque de Colbert, le parc était ouvert à la visite, il fallait donc des services, souligne Jacques Moulin. Cette passerelle permettait de passer d’un espace à un autre, en offrant depuis le milieu de l’eau, de meilleurs points de vue. De la même manière un plan d’eau de grande taille comme le Grand Canal a toujours été un lieu de promenade. » Grâce à l’embarcadère aménagé au bord de la pièce d’eau, seconde nouveauté, des barques seront proposées à la location dès le début de l’année prochaine. La préservation du patrimoine rejoint ainsi les usages d’aujourd’hui.