Âme sœur, collaboratrice, première lectrice, soutien moral, éternel recours…. Victor Hugo doit à Juliette Drouet, sa femme de l’ombre, une partie de son aura et leur histoire privée, loin d’être anecdotique, éclaire tout un pan d’histoire littéraire. Cette biographie l’a emporté parmi les six ouvrages en lice pour cette 37e édition. « Cet ouvrage avait l’avantage de réunir deux aspects nécessaires au prix Chateaubriand. Il est agréable à lire, accessible pour un large public et en même temps fondé sur une érudition sérieuse, avec des correspondances et des archives inédites, explique Michel Zink, de l’Académie française, membre du jury réunissant des personnalités du monde académique ou littéraire. Il n’y aura peut-être plus de nouvelle biographie de Juliette Drouet. On aura, grâce à ce travail, un acquis sur ce qu’elle a représenté : une femme admirable. »
Ce récit entend en effet aller à l’encontre d’une « légende misogyne », qui fait de Juliette Drouet une « pauvre fille à la dérive ». Elle retrace l’histoire d’une orpheline, devenue courtisane puis actrice en vue, qui sacrifia sa carrière par amour, et revient sur les tourments d’un couple illégitime et libre. « Si Juliette Drouet n’avait été qu’une « vielle maîtresse » il ne serait pas intéressant de publier un livre sur elle, ajoute Michel Zink. Madame Naugrette a su montrer comment Juliette Drouet, en comprenant Victor Hugo, nous aide aujourd’hui à le comprendre. »
22 000 lettres d'amour
Florence Naugrette, professeur de littérature française à Sorbonne Université, membre de l’Institut universitaire de France, est spécialiste du romantisme et d’histoire du théâtre et dirige l’édition en ligne du « journal épistolaire » de Juliette Drouet, constitué de ses 22 000 lettres à Victor Hugo. « Ce livre aura atteint son but si en le refermant, on considère aussi l’auteur des Misérables comme l’homme qui eut l’intelligence, la chance et le bonheur d’aimer cette femme. Et qui le savait », explique sa quatrième de couverture.
Chaque année depuis 1987, le prix Chateaubriand, fondé par le Département des Hauts-de-Seine, couronne une œuvre de recherche historique ou d’histoire littéraire portant sur une période allant du siècle des Lumières jusqu’au milieu du XIXe siècle. Les sujets abordés rejoignent des thèmes présents de près ou de loin dans l’œuvre de Chateaubriand. Doté à hauteur de 8 000 euros par le Département, le prix est annoncé en novembre au domaine départemental de la Vallée aux Loups, où vécut l’écrivain, et remis au lauréat à l’Institut de France en début d’année suivante.
Florence Naugrette, "Juliette Drouet. Compagne du siècle", Flammarion, 2022.
La remise officielle du prix Chateaubriand et la conférence de la lauréate auront lieu le 6 février à l’Institut de France, à 18 heures.