Le parc départemental André-Malraux, un espace de verdure du Département des Hauts-de-Seine situé au pied de La Défense.

Design fiction, quel futur pour construire le présent ?

3 min 8 s de lecture

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« Manager, c’est anticiper, a indiqué en introduction Jérôme Dian, le directeur général des services du Département. CE92/OLIVIER RAVOIRE
« Explorer l’avenir de manière créative » : c’était le thème des Entretiens Albert-Khan, le laboratoire d’innovation publique du Département qui, le 19 mai, proposaient à ses agents une initiation au design fiction.

Ils marchent les yeux rivés sur leur petite télévision portable à la main, s’arrêtent net au milieu d’un carrefour, provoquent des accidents… Issus des archives de l’INA, cette actualité en noir et blanc est datée de… 1947 ! Fruit de l’imagination des journalistes de l’époque, ce reportage n’a plus rien d’une science-fiction aujourd’hui, avec notre présent rivé aux smartphones. C’est l’objectif de cet Entretien Albert-Kahn (EAK), animé par Nicolas Minvielle, docteur en science de la gestion, et Olivier Wathelet, docteur en anthropologie : bâtir des scénarios imaginaires pour relever les défis de demain.

« Manager, c’est anticiper, a indiqué en introduction Jérôme Dian, le directeur général des services du Département. Imaginer nous affranchir de toutes les contraintes pour avoir le monde que nous souhaitons - et se demander si c’est ce monde que nous voulons - n’est pas un exercice aisé, pour nous qui évoluons dans un contexte de sédimentation historique de carcans. » Carine Dartiguepeyrou complète : « Jouer avec les futurs pour agir différemment demain, c’est l’objectif de cet EAK ». Education, culture, voirie, parcs et jardins, ressources humaines, sport, DSI, solidarités… : des agents issus de tous les services du Département étaient présents à ce colloque, soit une soixantaine de personnes dont deux conseillères départementales : Alice Le Moal et Astrid Brobecker.

« Les imaginaires ont un pouvoir très puissant, relatent les animateurs. La littérature, avec Barjavel, le cinéma avec « 2001, l’Odyssée de l’espace », la pop culture, les Avengers, l’univers Disney… ont un impact réel sur le monde actuel. » Ils citent en illustration l’iPad de Steeve Job qui voulait à tout prix créer les tablettes tactiles qu’il voyait, enfant, dans « Star Strek ». Ces imaginaires créent une vision qui donne du sens, ils donnent des directions créatrices et ils créent une politique de l’attente, avec un processus d'habituation, par exemple en nous montrant des voitures volantes.

Des outils de réflexion puissants

Mais ces imaginaires produits par l’environnement culturel, on doit les apprendre à les lire : les voitures volantes dans « Le Cinquième élément » ou « Retour vers le futur » nous racontent des choses bien différentes. Ces imaginaires sont-ils ceux que nous souhaitons, quelle est la part d’utopie et de dystopie ? Deux extraits de films sont à nouveau montrés : l’homme augmenté dans la série « Black Mirror » et Tom Cruise dans « Minority Report », autant d’outils de réflexion puissants sur l’usage des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle.

« Un auteur de science-fiction s’imprègne des tendances et doit les radicaliser, les rendre spectaculaires, pour “vendre” une histoire attrayante, expliquent Nicolas Minvielle et Olivier Wathelet. Il faut apprendre à s’extraire de l’exégèse de l’œuvre pour lire les prospectives proposées. » Comment en analyser les lignées fortes et les lignes faibles ? Et surtout, comment rendre ces imaginaires crédibles ? Les animateurs proposent plusieurs techniques : fiction critique, parafiction, science-fiction étendue au réel, avec plusieurs exemples, notamment une bouilloire communicante qui affiche sa page Facebook. « Il ne faut pas croire que notre futur, c’est une technologie spectaculaire qui va supplanter les autres, concluent-ils. Ce qui importe dans la science-fiction, c’est sa banalité. » L’EAK s’est clos sur un atelier de mise en pratique avec le tout nouveau pôle jeunesse et sports du Département. Objectif : contribuer à bâtir la politique publique “ jeunesse” de demain.

Making Tomorrow, un collectif transdisciplinaire

Animateurs de cet EAK, Nicolas Minvielle, docteur en science de la gestion, et Olivier Wathelet, docteur en anthropologie, ont co-fondé Making Tomorrow, un collectif de designers, créatifs, écrivains et chercheurs en sciences économiques et sociales. Ils pratiquent le design spéculatif et la prospective créative pour des clients aussi variés que Bouygues Immobilier, Thales, EDF, Vinci, MAIF… Ils sont également sollicités par le secteur public : Conseil de l’Europe et services publics de Wallonie, entre autres. Leur travail dans le cadre de la Red Team pour le ministère français des Armées a notamment retenu l’attention : des auteurs de science-fiction ont imaginé, aux côtés d’experts scientifiques et militaires, des menaces graves pour la France et ses intérêts. Ces scénarios ont pour but de préparer l’armée aux pires éventualités pour construire les réponses dès aujourd’hui.