Si de l’extérieur, la façade striée signée Kengo Kuma semble de papier, l’intérieur est plutôt un livre d’images. Un mur entier d’autochromes, la toute première technique de photographie couleur, se dresse devant le visiteur. Côté sud, la façade du nouveau bâtiment s’ouvre progressivement sur les jardins, sur le principe de l’engawa japonais, entre intérieur et extérieur. « Une architecture naturelle » selon Sébastien Yéou représentant de l’architecte japonais qui repose non pas tant sur les matériaux que sur « la relation heureuse entre le bâtiment et son environnement ». Sept bâtiments patrimoniaux ont par ailleurs été restaurés et un auditorium créé dans l’ancienne galerie. « Cela fait six ans que nous attendions l’ouverture de cet équipement majeur. Par ses jardins fabuleux, par son bâtiment principal exceptionnel et par ses dépendances restaurées, il s’élève à la hauteur de la vie et des projets de l’homme qu’il entend honorer », souligne Georges Siffredi. Le musée est construit autour du double patrimoine constitué au tournant du XXe siècle par le banquier philanthrope Albert Kahn : d’une part un jardin à scènes paysagères, qui invite à un voyage immobile depuis sa propriété boulonnaise, d’autre part une collection de 72 000 autochromes et d’une soixantaine d’heures de films, récoltés par ses opérateurs aux quatre coins de la planète.
Entre images et jardins
Ce nouvel écrin offre de meilleures conditions de conservation à ces collections, particulièrement fragiles, par ailleurs valorisées dans une présentation renouvelée. « Le projet d’Albert Kahn est non seulement matériel mais aussi philosophique : l’ambition est de le donner à voir de manière globale », explique la directrice du musée, Nathalie Doury. Dans le nouveau bâtiment, point de départ d’un circuit de 1 000 m2 entre images et jardins, le visiteur fait la connaissance d’Albert Kahn et se familiarise avec son dessein de consignation du réel : Les Archives de la Planète. Le parcours se poursuit à la Fabrique des images, où les techniques de production d’autochromes sont mises en scène à l’intérieur de grandes malles ou encore à la Salle des Plaques, où les boîtes d’autochromes s’empilent jusqu’au plafond. Entre cabine de projection et grande serre, le visiteur revit l’expérience spectaculaire proposé par le banquier à ses invités de l’époque tandis que dans la Grange Vosgienne, les jardins se dévoilent comme un patrimoine vivant. Immersive et interactive, la scénographie vise à susciter l’émerveillement, au fondement de ce projet d’ouverture au monde.
Culture pour tous
Cette restructuration fait entrer le musée - dont la capacité d’accueil a été multipliée par cinq - dans le XXIe siècle. « D’un lieu intimiste nous avons voulu aller vers un musée qui s’adresse au plus grand nombre, souligne Georges Siffredi. Le nouveau musée occupe une place de choix dans la Vallée de la Culture, cet ambitieux projet territorial qui fait de la culture, sous toutes ses formes et pour tous les publics, l’un des principaux vecteurs de notre rayonnement. » De nombreux dispositifs de médiation sont prévus, en particulier en direction des jeunes – qui bénéficieront de la gratuité jusqu’à 26 ans. À l’image du week-end inaugural, ces 2 et 3 avril, ateliers, visites, conférences, tables rondes ou projections rythmeront tout au long de l’année la programmation du nouveau musée. Avec une préoccupation constante : replacer les collections dans leur contexte historique tout en jouant sur les résonnances avec le monde contemporain, monde d’images s’il en est. Exploration des représentations du voyage du début du XXe siècle à nos jours l’exposition temporaire inaugurale « Autour du monde. La traversée des images, d’Albert Kahn à Curiosity », témoigne d’ores et déjà de cette ambition.
Galerie photo
Visite en images du nouveau musée départemental Albert-Kahn