Après de long mois d’assemblage, la « grande translation » de la travée principale a commencé. Une opération millimétrée qui la voit pivoter lentement pour être positionnée dans le bon axe. Une immense remorque permet cette prouesse. « Chacun de ses essieux peut supporter treize tonnes et tourner sur lui-même à 360 degrés. Autant dire qu'avec ça vous pouvez faire tous les créneaux que vous souhaitez dans Paris », plaisante Vincent Sieli, directeur travaux pour Chantiers Modernes Constructions, à la tête du groupement d’entreprises chargé la réalisation du pont. En contrebas, une barge flottante attend de recevoir l’ouvrage de cent mètres de long en bowstring qui doit, à terme, enjamber d’une seule traite le petit bras de Seine jusqu'à la promenade Vallée Rive Gauche. À partir de là, à Meudon, une seconde travée de cinquante mètre court déjà, installée mi-novembre, au-dessus de la RD7. A terme les deux tabliers ne formeront qu’un seul et même ouvrage, long de de cent cinquante mètres et pesant 2 000 tonnes.
Ouvrage structurant
Sa robustesse permettra au nouveau pont Seibert de supporter le passage du "bus à haut niveau de service" qui dessert déjà le pont Daydé, reliant l’ile à Boulogne, construit comme le premier pont Seibert au début du XXe siècle pour desservir les usines environnantes. « L’ancien pont Seibert (démantelé en 2018 NDLR) était trop abimé et ne supportait plus le passage du bus, rappelle Pierre-Christophe Baguet, maire de Boulogne-Billancourt. Le nouveau pont Seibert jouera le rôle de barreau entre la ligne 9 du métro et le tramway T2, fréquenté par 250 000 voyageurs/jour. » Avec son architecture métallique, clin d’œil à son prédécesseur, il sera un repère dans le paysage, tout comme le pont Daydé. Il fera une large place aux circulations douces, piétons et cyclistes, « placées de part et d‘autre de la structure centrale, afin d’offrir un grand balcon sur la Seine, explique Paul Grolleau de l’agence AEI Architectes. Ce cheminement doublera progressivement de largeur comme pour répondre aux généreux espaces publics prévus sur l'île. À hauteur de celle-ci, le pont fera vingt-sept mètres de large ».
Depuis Meudon, le pont Seibert sera l'un des principaux points d’accès à La Seine Musicale mais aussi à la partie amont et centrale de l’île où doit s’implanter à terme une fondation d’art contemporain et un complexe tertiaire, comprenant un grand parc. « En 1919 Louis Renault était parti à la conquête de l’île pour en faire une vitrine de son industrie. Ce paquebot Renault se mue peu à peu en paquebot de la culture », estime Pierre-Christophe Baguet. « Le pont Seibert constitue un ouvrage structurant pour la Vallée de la culture. Ici sur l’ile Seguin, emblématique des mutations urbaines à l’œuvre dans les Hauts-de-Seine, il était naturel que le Département se mobilise fortement dans cette reconstruction », souligne Georges Siffredi, président du Département. La collectivité finance à hauteur de 30% cette opération d'un montant total de 41,5 millions d'euros. Membre de la SPL Val de Seine Aménagement, elle contribue par ailleurs à ce titre à la réalisation de l'ensemble des espaces publics de l'île.
Mise en service à l'été
L'opération qui vient de commencer durera trois mois. Soutenue par la barge dans un premier temps, la travée principale doit encore avancer jusqu'à la rive, être installée sur des appuis provisoires, puis soudée à sa « petite soeur ». L'ensemble sera ensuite mis à niveau et posé sur ses trois appuis définitifs : deux culées à chaque extrémité et une béquille rive gauche, sur les berges. En février 2022, place aux revêtements de chaussée puis, au printemps, à l'aménagement des berges. Si dès l'été prochain l'ouvrage pourra être mis en service pour desservir les chantiers de l'île, le public ne pourra toutefois l'emprunter qu'à l'horizon 2025, quand ceux-ci auront pris fin. Les pont Seibert et Daydé se rejoindront alors sur un vaste parvis, pendant de l'esplanade aménagée à la pointe aval de l'île, devant La Seine Musicale.