L’exposition Atala, 1801, Voyage illustré au cœur d’un roman, à la Maison de Chateaubriand, nous accompagne dans une excursion inattendue autour du premier chef-d’œuvre de l’écrivain.
À la manière d’un artiste peintre, Chateaubriand transforme la grandeur des paysages, la nature foisonnante, la flore, la faune, en tableau éblouissant.
La publication en 1801 de son roman Atala et le succès qui s’ensuit aussitôt bouleversent la vie de Chateaubriand, au point, raconte-t-il, que l’argent gagné lui permet d’acheter le domaine de la Vallée-aux-Loups. L’histoire de ce livre - et de tout l’imaginaire qu’il a fait naître dans un siècle qui se cherche - débute en 1791, quand Chateaubriand embarque pour l’Amérique du Nord ; il n’a pas encore 23 ans. « Chateaubriand part pour le Nouveau Monde comme un aventurier en quête d’inspiration, explique Anne Sudre, directrice de la Maison de Chateaubriand et commissaire de l’exposition. Il vit pendant six mois avec les Indiens, et commence à prendre des notes. C’est en Amérique que naît le roman Atala, dans le sillage de trois sources d’inspiration littéraire : le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755) de Rousseau, Les Incas ou la destruction de l’Empire du Pérou (1777) de Marmontel, et surtout Paul et Virginie (1788) de Bernardin de Saint-Pierre. Son écriture est aussi nourrie de récits de voyageurs, d’explorateurs, de naturalistes en Amérique du Nord, dont William Bartram qu’il a pu lire là-bas. »
Aux références puisées dans les bibliothèques, on aurait envie d’ajouter Roméo et Juliette de Shakespeare, tant l’histoire des amours empêchées de la belle Atala et du valeureux Chactas y fait penser, poison y compris. Et si le roman assure à Chateaubriand un avenir meilleur, le manuscrit glissé dans son sac lui aurait même sauvé la vie, à son retour en France, lors du siège où il est engagé au sein de l’armée contre-révolutionnaire : « […] deux balles avaient frappé mon havresac pendant un mouvement […] Atala, en fille dévouée, se plaça entre son père et le plomb ennemi », écrit-il dans les Mémoires d’outre-tombe.
Succès populaire et objets dérivés
Comment cette « fille dévouée » a-t-elle rencontré l’histoire de la littérature et le succès populaire ? C’est tout le propos de l’exposition, qui puise dans les quelque 300 pièces de ses collections à destination d’un public beaucoup plus large que le connaisseur bibliophile. Cela commence par la grâce de l’écriture. « Chateaubriand met en scène des personnages tourmentés par leur passion, poursuit Anne Sudre, il associe les sentiments à la nature et ses descriptions sont d’une puissance et d’une richesse extraordinaires. La beauté de son écriture aux accents poétiques renouvelle la prose classique. Atala en 1801, puis René qui est publié l’année suivante portent en eux les germes du romantisme en France. » Le succès est impressionnant. En 1805, soit quatre ans après la première édition, Atala a été réédité douze fois - même si l’on ne connaît pas exactement les tirages, c’est douze fois plus qu’envisagé. Cela génère des revenus et, puisqu’il n’existe pas encore de protection du droit d’auteur, cela suscite des vocations chez des éditeurs pirates. Alors, soit on méprise, soit on se déplace… Chateaubriand se déplacera lui-même en Avignon pour faire saisir des contrefaçons dès 1802. La société française - du moins celle qui a accès au livre - découvre la peinture du sentiment romantique, qui est aussi consolation et reconstruction après le tumulte de la Révolution. « Atala arrive dans un moment où l’exotisme “ressource”, pour le dire avec les mots d’aujourd’hui. Très rapidement, tous les arts s’emparent des principaux épisodes de l’histoire, dans un phénomène comparable, en plus impressionnant encore, à celui suscité par Paul et Virginie. Et cela a duré tout le siècle. L’ouvrage lance même une coiffure à la mode, avec des plumes. » On retrouvera très longtemps après cet imaginaire de l’Indien : en 1946 est publiée une édition d’Atala illustrée par Peccadet, qui rappellera aux connaisseurs la bande dessinée Oumpah-pah de Goscinny et Uderzo, imaginée dès 1951. Certains des « objets dérivés » sont des chefs-d’œuvre : Atala au tombeau, de Girodet, illustre toutes les couvertures des éditions de poche - la Maison de Chateaubriand en conserve des études préparatoires ; ou La Veillée funèbre d’Atala, du peintre belge Louis Tiberghien, récente acquisition du Domaine départemental. D’autres sont des curiosités qui racontent d’étonnantes histoires. Ainsi la gravure en 1875 d’une scène d’Atala sur une huître perlière - ce qui va bien à l’exotisme du sujet - par Joseph Müller, condamné au bagne de Nouvelle-Calédonie pour fabrication de fausse monnaie ! « La scène provient d’un tableau qui était conservé au musée du Havre, dont il avait eu connaissance par un article illustré dans un journal qui était parvenu à Nouméa. Le tableau ayant disparu dans un bombardement durant la Seconde Guerre mondiale, il n’en reste plus que sa représentation sur la nacre de l’huître… »
Didier Lamare pour HDS, le magazine du Département n° 1 septembre - octobre 2024
François René de Chateaubriand, Atala, illustration de Maurice Lalau (1881-1961), Maison de Chateaubriand
© Droits réservés - Photo CD92/Julien Garraud
Exposition Atala, 1801. Voyage illustré au cœur d’un roman
Du 4 octobre 2024 au 28 septembre 2025
Ouvert du mardi au dimanche : de 13h à 18h (en octobre), de 13h à 16h30 (de novembre à février), de 13h à 18h (en mars), de 13h à 18h30 (d’avril à septembre)
Le week-end : de 10h à 12h et l’après-midi selon les horaires ci-dessus
Maison de Chateaubriand – Domaine départemental de la Vallée-aux-Loups
87 rue de Chateaubriand, 92290 Châtenay-Malabry
vallee-aux-loups.hauts-de-seine.fr
♦ Les partenaires de l'exposition
Programmation autour de l'expositionSur réservation : 01 55 52 13 00 ou reservations-chateaubriand@remove-this.hauts-de-seine.fr Tout au long de l’année- Visite guidée de l’exposition
À partir du 13 octobre, tous les dimanches, à 11h, pendant toute la durée de l’exposition Durée : 1h Tarif plein : 6 € ; tarif réduit : 4 € - Un parcours adapté aux familles
- Livret jeu 7-12 ans disponible gratuitement à l’accueil.
Espace famille au sein de l’exposition (assises, espace créatif). Des ateliers de pratique artistique (date et précisions ci-dessous).
Cycle de conférencesUn cycle de cinq conférences proposé et animé par Sébastien Baudoin, agrégé de Lettres modernes, docteur-ès-Lettres et professeur de khâgne à Paris. D’octobre 2024 à mars 2025, les cinq conférences permettent d’explorer l’univers d’Atala et l’exotisme en littérature. Durée de chaque conférence : 1h Tarif plein : 6 € ; tarif réduit : 4 € Sur réservation : reservations-chateaubriand@remove-this.hauts-de-seine.fr ou 01 55 52 13 00 - Conférence inaugurale « Atala ou le bruit du monde : les coulisses d’un succès », suivie d’un verre de l’amitié
Spécialiste de l’œuvre de Chateaubriand, Sébastien Baudoin, agrégé de Lettres modernes, docteur-ès-Lettres et professeur de khâgne à Paris propose une conférence sur « Atala ou le bruit du monde : les coulisses d’un succès ». L’intervention sera suivie d’un temps d’échanges avec le public et d’un verre de l’amitié. « C’est de la publication d’Atala que date le bruit que j’ai fait dans ce monde : je cessai de vivre de moi-même et ma carrière publique commença. ». C’est en ces termes que Chateaubriand, dans ses Mémoires d’outre-tombe (livre XIII, chapitre 6) présente le fulgurant succès qui fut le sien après la parution d’Atala en 1801. Notre propos visera à tenter d’expliquer les raisons du succès de cette œuvre, dans le sillage de Paul et Virginie (1787) de Bernardin de Saint-Pierre et plus largement du goût de l’exotisme et des voyages que ce court récit illustre à la perfection. Mais la reprise de thèmes et d’intrigues en vogue ne suffit pas à expliquer que Chateaubriand soit devenu « à la mode » comme il le rappelle dans ses Mémoires. Il a en effet savamment mis en scène son petit roman pour en faire un avant-texte publicitaire préparant la parution du Génie du christianisme (1802). Bien plus, c’est le style de l’Enchanteur qui explique pour une bonne part un triomphe qui fera de lui, avec René (1802), le chef de l’école romantique française de première génération. Dimanche 13 octobre à 15h30 - Conférence « Les exotismes de Bernardin de Saint-Pierre : l'influence indianocéanique »
Conférencier : Guilhem Armand, Maître de conférences à l’Université de la Réunion. Le propos consistera à évoquer tout d’abord le séjour de Bernardin de Saint-Pierre dans l’océan Indien, séjour déceptif le confrontant à un exotisme pauvre, puis les Études de la Nature (1784) qui permet à Bernardin de prendre un certain recul par rapport à cette déception première. Avec Paul et Virginie (1787), la vision de Bernardin se transforme, ce qui modifie considérablement l’écriture du paysage exotique en cette fin de XVIIIe siècle. Il semble néanmoins, en définitive, que l’exotisme de Bernardin de Saint-Pierre, dans Paul et Virginie, demeure ambigu. Samedi 23 novembre à 15h30 Durée : 1h dont 15 minutes d’échanges avec le public - Conférence « Un lys renversé par le tranchant de la faux, peindre Atala »
Conférencier : Sidonie Lemeux-Fraitot, docteur en Histoire de l’art, directrice du Musée Girodet à Montargis En hommage au succès que Chateaubriand obtînt avec Atala, son ami et relecteur Bertin l’aîné commanda en 1808 à Anne-Louise Girodet un tableau illustrant la nouvelle. Le choix de l’épisode, l’innovation picturale, la commande par Joséphine de Beauharnais d’une réplique, comme la mise en regard avec les illustrations par d’autres artistes, dessinent les enjeux littéraires, esthétiques et politiques qui entourent ce chef d’œuvre. Samedi 18 janvier à 15h30 Durée : 1h dont 15 minutes d’échanges avec le public - Conférence « Atala et le mythe de la princesse indienne »
Conférencier : Gilles Havard, agrégé d’Histoire et docteur en Histoire, directeur de recherche au CNRS Dans quelle mesure, à travers le personnage d’Atala, Chateaubriand convoque-t-il des stéréotypes propres à la représentation de l’Amérique et des Amérindiens ? Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’Amérique est communément représentée, en effet, sous la forme d’une « princesse indienne ». Mais surtout, Atala, jeune métisse qui sauve le Natchez Chactas du supplice que lui réservent les membres de son peuple, apparaît comme une variation littéraire autour du mythe de Pocahontas, cette jeune Amérindienne de la Virginie du début du XVIIe siècle ayant supposément sauvé le colon John Smith de la mort, puis ayant été adoptée et christianisée par les Anglais. Chateaubriand contribue ainsi à ancrer dans l’imaginaire français un topos de la littérature historique anglo-américaine. On se demandera aussi si Atala entretient quelque rapport, ou non, avec les « vraies » Amérindiennes de son temps, telles qu’elles sont décrites dans les relations de voyage que Chateaubriand a lues. Samedi 25 janvier à 15h30 Durée : 1h dont 15 minutes d’échanges avec le public - Conférence « Ourika est-elle une « Atala de salon » ? »
Conférencier : Marie-Bénédicte Diethelm, écrivaine, docteur en droit et en littérature. Le roi Louis XVIII aurait assuré que le roman de la duchesse de Duras, publié par l'éditeur Ladvocat au mois de mars 1824, était une « Atala de salon ». C’était relier l'ouvrage de Mme de Duras à l’un des écrits les plus célèbres (Atala, 1801) du « cher frère » de cette dernière. Le monarque a-t-il désiré, en agissant ainsi, assurer un illustre patronage à l’écrit de Claire de Duras ? Désirait-il louer celle-ci ou, au contraire, diminuer ses qualités de romancière ? Doit-on penser que la duchesse a elle-même envisagé ce parallèle ? Cette conférence désirerait établir que quelles qu’aient été les intentions tant de Louis XVIII que de Mme de Duras, il apparaît que cette dernière a, en écrivant Ourika, créé une œuvre puissamment originale. Samedi 8 mars à 15h30 Durée : 1h dont 15 minutes d’échanges avec le public
Programmation familiale- Dans la forêt, viens
Contes et ateliers musicaux autour d’Atala, de Chateaubriand et de la nature (tout public, à partir de 6 ans) Dimanche 8 décembre à 14h30 Dates 2025 : dimanche 19 janvier ; dimanche 2 février ; dimanche 16 mars Horaire : 15h Durée : 1h dont 20 minutes d’atelier Tarif plein : 5 € ; tarif réduit : 3 € (goûter offert aux enfants) Sur réservation : reservations-chateaubriand@hauts-de-seine.fr ou 01 55 52 13 00 Artiste : Elma Vatès, violoncelliste et conteuse À travers deux contes, Dans la forêt, viens et Mes souvenirs d’Amérique, lus et mis en musique par Elma Vatès, venez à la rencontre de François René de Chateaubriand et de la nature qu’il aimait tant. Au son du violoncelle et d’une variété de petits instruments aux sonorités colorées, vous voyagerez dans l’enfance du grand écrivain, entre les arbres qu’il appelait ses enfants et dans les forêts américaines qui inspirèrent son roman Atala. Une lecture musicale accessible à partir de 6 ans, toute en douceur et en émotions, qui nous conduit à voyager au-dedans de nous-même, au rythme d’une musique s’inspirant des plus grands airs du classique. Un atelier de création sonore est proposé à l’issue de la lecture. - Atelier famille (à partir de 6 ans)
Tous les ateliers comprennent une visite de l’exposition temporaire Atala 1801. Voyage illustré au cœur d’un roman. Le contenu est adapté aux enfants et sert de source d’inspiration pendant les ateliers. A partir de 6 ans 10 participants maximum par atelier. Les accompagnateurs des enfants doivent préciser s’ils souhaitent ou non participer à l’atelier avec les enfants. Tarif plein : 5 € ; tarif réduit : 3 € Sur réservation : reservations-chateaubriand@remove-this.hauts-de-seine.fr ou 01 55 52 13 00 - Atelier théâtre d’ombre
Dimanche 6 octobre 2024 ; dimanche 9 février 2025 ; dimanche 14 septembre 2025 Horaire :15h Durée : 1h30 Lieu : maison de Chateaubriand Descriptif : Après une découverte de l’exposition temporaire Atala 1801. Voyage illustré au cœur d’un roman, les enfants fabriquent chacun leur théâtre d’ombre pour raconter à leur tour les histoires de l’écrivain et en imaginer de nouvelles. - Atelier herbier créatif
Samedi 17 novembre 2024 et dimanche 12 octobre 2025 Horaire : 14h30 Durée : 2h Lieu : parc de la maison de Chateaubriand Les enfants visitent le parc et apprennent à identifier les espèces d’arbres. Avec leur cueillette, ils créent un portrait végétal d’Atala et de Chactas, les héros inventés par Chateaubriand. - Atelier diorama
Dimanche 12 janvier 2025 Horaire : 14h30 Durée : 2h Lieu : maison de Chateaubriand Après une découverte de l’exposition temporaire Atala 1801. Voyage illustré au cœur d’un roman, les enfants fabriquent chacun leur théâtre d’ombre pour raconter à leur tour les histoires de l’écrivain et en imaginer de nouvelles. - Atelier leporello
Dimanche 9 mars 2025 Horaire : 15h Durée : 2h Lieu : maison de Chateaubriand Après une découverte de l’exposition temporaire Atala 1801. Voyage illustré au cœur d’un roman, les enfants racontent à leur tour l’histoire imaginé par Chateaubriand en créant un leporello (petit livre en accordéon). - Atelier tote bag
Dimanche 13 avril 2025, dimanche 11 mai 2025 à 15h Durée : 1h30 Lieu : maison de Chateaubriand Après une découverte de l’exposition temporaire Atala 1801. Voyage illustré au cœur d’un roman, les enfants s’inspirent des « produits dérivés » du XIXe siècle pour personnaliser un tote bag sur le thème d’Atala. - Stage « Atala en Manga » pour les adolescents (12-17 ans)
10 participants Durant une semaine, les adolescents plongeront dans l’univers d’Atala pour créer à leur tour leur propre récit. Fanfiction, policier, humour, parodie, poésie, tout est possible lorsque l’on joue avec les mots. Pour les participants qui le souhaitent, les œuvres feront l’objet d’une publication de la maison de Chateaubriand. [texte provisoire] 5 demi-journées, la première semaine des vacances de Pâques. Lundi 14, mardi 15, mercredi 16, jeudi 17, vendredi 18 avril 2025 [sous réserve d’un nombre suffisant de participants] L’inscription se fait pour le cycle complet de 5 demi-journées et pour la restitution. Tarif plein : 30 € ; tarif réduit : 20 € (pour le cycle complet) Réservation obligatoire : reservations-chateaubriand@remove-this.hauts-de-seine.fr ou 01 55 52 13 00 - Spectacle Chateaubriand et Atala par la compagnie Les Compagnons d’Ulysse (tout public)
Qu’est devenu Chactas après la mort d’Atala ? Comment Monsieur de Chateaubriand a-t-il écrit son célèbre roman ? Que se passerait-il si les personnages du livre venaient rencontrer leur créateur ? La compagnie des Compagnons d’Ulysse vous invite à embarquer pour un voyage au cœur de la littérature et du romantisme, pour les petits et les grands. Dimanche 1er juin 2025 (report le 22 juin en cas d’intempéries) A 15h et à 16h30 (deux représentations) Durée : 1h Lieu : déambulation dans le parc de la maison de Chateaubriand Tarif plein : 10 € ; tarif réduit : 7 € ; moins de 18 ans : 6 € Réservation obligatoire : reservations-chateaubriand@remove-this.hauts-de-seine.fr ou 01 55 52 13 00 |